Qui a construit le Globe Theatre ? Plongée dans l’histoire d’un monument élisabéthain
Le Globe Theatre est sans aucun doute l’un des théâtres les plus célèbres de l’histoire mondiale. Symbole de l’âge d’or du théâtre anglais, il reste intimement lié à la figure incontournable de William Shakespeare. Mais ce n’est pas Shakespeare lui-même qui l’a bâti, et c’est justement ce que cet article va explorer. Car comprendre la construction du Globe, c’est aussi comprendre comment l’art, la société et l’ingéniosité architecturale se sont alliés pour créer un chef-d’œuvre unique à son époque.
L’origine du Globe : une histoire d’hommes et d’ambition
Nous sommes à la fin du XVIe siècle. À Londres, les représentations théâtrales gagnent en popularité, mais les infrastructures peinent à suivre. Le théâtre « The Theatre », construit en 1576 par James Burbage, père de l’acteur Richard Burbage, est alors l’un des premiers théâtres permanents d’Angleterre. Lorsque le bail du terrain sur lequel est construit « The Theatre » est révoqué en 1597, un projet audacieux germe : démonter le théâtre clandestinement pendant la nuit, récupérer le bois, et le reconstruire ailleurs. C’est ainsi qu’est né le Globe Theatre.
La reconstruction commence au début de 1599, sur la rive sud de la Tamise, à Southwark, hors de la juridiction stricte de la Cité de Londres. Ce nouvel emplacement permet plus de liberté artistique et moins de contraintes morales imposées par les autorités puritaines. Le théâtre est érigé principalement grâce aux fonds du syndicat d’actionnaires réunis autour de Richard Burbage et de ses associés, dont William Shakespeare. Shakespeare n’est donc pas l’architecte, mais bel et bien un co-propriétaire du Globe, y détenant 12,5 % des parts.
Une construction innovante : entre science et savoir-faire
Le Globe Theatre est un chef-d’œuvre d’ingénierie pour l’époque. Il est bâti en bois de chêne, matériau local à la fois solide et maniable. Le théâtre adopte une forme circulaire – parfois dite polygonale – permettant une acoustique étonnamment efficace pour les normes du XVIe siècle. Avec ses trois niveaux de galerie autour d’une scène centrale ouverte sur le ciel, il pouvait accueillir jusqu’à 3 000 spectateurs, des aristocrates jusqu’aux plus modestes « groundlings » (les spectateurs debout).
Les plans exacts de cette structure ne nous sont pas entièrement parvenus, mais des fouilles archéologiques modernes ainsi que des écrits contemporains ont permis de reconstituer avec précision les principales caractéristiques architecturales du Globe. Son design reposait autant sur des savoir-faire artisanaux que sur une compréhension empirique de l’acoustique, de la lumière naturelle et de la visibilité. C’est un exemple frappant de science appliquée à l’art dramatique bien avant l’heure de l’ingénierie moderne.
Le rôle de Peter Street : le maître charpentier oublié
Si les noms de Burbage et de Shakespeare sont aujourd’hui mondialement connus, celui de Peter Street, le véritable architecte du Globe Theatre, l’est nettement moins. C’était pourtant à lui que fut confiée l’énorme responsabilité de diriger la reconstruction du théâtre en 1599.
Peter Street était un maître charpentier reconnu, déjà en charge de plusieurs grands projets à Londres, et notamment du second théâtre de Burbage, le Blackfriars. C’est lui qui a conçu les charpentes complexes et coordonnées la main-d’œuvre hautement qualifiée qui travailla durant l’hiver 1598-1599. Grâce à son expertise, les matériaux récupérés du premier théâtre ont été habilement réutilisés pour créer une structure encore plus ambitieuse. Son travail illustre la parfaite synergie entre ingénierie artisanale et exigence artistique de la Renaissance anglaise.
Un héritage durable dans le monde du théâtre
Même si le Globe original fut détruit en 1613 par un incendie causé par un tir de canon lors d’une représentation d’Henri VIII, il fut reconstruit dès l’année suivante. Au fil du temps, il nourrira l’imaginaire des dramaturges, des historiens et des architectes. En 1997, une réplique fidèle du Globe fut inaugurée à Londres sous l’impulsion de l’acteur américain Sam Wanamaker. Ce nouveau Globe Shakespeare’s Globe est devenu un centre culturel et éducatif renommé, perpétuant la mémoire des hommes comme Peter Street, Richard Burbage et bien sûr William Shakespeare.
Le Globe n’est pas seulement un théâtre. Il est la quintessence d’un moment où la science, l’art et l’histoire se sont rencontrés. Il est la preuve que la culture se construit aussi bien avec des idées qu’avec des marteaux, des planches et une vision collective. En identifiant tous les artisans de son élévation, on rend justice à un pan fondamental du patrimoine théâtral mondial.
Conclusion
Le Globe Theatre n’est pas uniquement l’œuvre d’un seul homme. Il est le fruit d’un travail collaboratif réunissant artistes, entrepreneurs, ouvriers et intellectuels. Si Shakespeare reste l’âme du lieu par ses chefs-d’œuvre, ce sont Richard Burbage, Peter Street et toute une équipe passionnée qui lui ont offert un écrin à sa mesure. Aujourd’hui encore, leur génie résonne dans les planches du théâtre, rappelant que les plus grandes œuvres humaines naissent souvent dans la collaboration, le risque, et l’innovation.
